La notion de duende trouve sa source dans la culture populaire hispanique (d’abord dans les anciennes traditions relevant de la superstition domestique), comme un équivalent local et particulier de la figure mythique du lutin. Plus récemment et plus précisément, le duende appartient aujourd’hui, dans un sens différent mais dérivé de cette première acception, à l’univers du canteflamenco puis de la tauromachie qui le lui a emprunté.
Le duende fait partie de ces mots dont le signifié et la symbolique sont tellement riches ou particuliers dans leur langue d’origine, et dont la dimension littéraire est tellement surdéterminée, qu’ils ne rencontrent aucun équivalent satisfaisant dans les autres langues ; ils sont donc classés parmi les « intraduisibles » et sont généralement importés tels quels dans les autres langues. C’est le cas pour le duende, tout au moins dans les langues française et anglaise. On ne peut donc que tenter d’en approcher, puis d’en explorer les nombreuses strates de sens. Mais pour simplifier (à l’excès), on peut néanmoins dire qu’aujourd’hui le duende sert à désigner ces moments de grâce où l’artiste de flamenco, ou bien le torero, prennent tous les risques pour transcender les limites de leur art, surmultiplier leur créativité à la rencontre d’une dimension supérieure mystérieuse, et atteindre ainsi un niveau d’expression proprement inouï, lequel procède d’une sorte d’envoûtement et provoque le même enchantement chez le spectateur.
Federico García Lorca, le grand poète espagnol martyr de la première moitié du xxe siècle, a beaucoup investi ce concept en tant qu’il exprime particulièrement bien selon lui le « génie » du peuple andalou et l’âme espagnole.